Blackbird... Pierre Maurel / Politique

Blackbird est une bande dessinée écrite par Pierre Maurel, éditée en avril 2011 aux éditions L'employé du Moi. Blackbird est une bande dessinée d'anticipation où dans une France à peine différente de celle que l'on connait, une loi est votée abrogeant la loi Lang sur le prix unique du livre. Dans la foulée, elle décrète l'interdiction de l'autoproduction, peu compatible avec un modèle ultra libéral, sous prétexte de protéger les droits de l'auteur.



Les auteurs de fanzine entrent dans la clandestinité, les petits éditeurs disparaissent et les créations personnelles qui autrefois circulaient librement sont passibles de poursuites. Un petit groupe d'auteurs organise la résistance, continuant à se réunir pour produire et distribuer Blackbird, fanzine vendu à la sauvette ou déposé dans les lieux publics. S'ensuivent alors des évènements inquiétants nous entrainant dans le quotidien en marge des jeunes héros, celui du fanzinat, du skate et de la rébellion.

C'est dans cet espace parallèle qu'évoluent les personnages de Pierre Maurel, de jeunes artistes à la croisée des chemins, entre professionnalisation et maquis, bas-côté et ornières, chacun vivant le combat à sa façon.

Blackbird est né en 2008 sous la forme de fanzines imprimés, agrafés et vendus sur son blog par l'auteur lui-même. Tout en conservant l'esprit qui a prévalu à sa création, l'Employé du Moi a voulu réunir en un livre les six volets de ce récit aussi beau qu'utile. Dans la lignée des précédents livres de Pierre Maurel, Blackbird se présente comme un récit de nature politique : le monde moderne y est interrogé à ses frontières, là où lorsqu'il s'éloigne des normes, le devenir individuel rencontre la précarité et s'expose au rejet.

Dans une histoire qui mêle habilement la réalité et l'anticipation, Blackbird scrute les prémisses de l'autoritarisme, en dénonce les méfaits et décrit l'effondrement des libertés qu'il entraîne. Dans une société de contrôle le législateur interdit l'auto-édition et réduit l'édition à une production industrielle. Le projet de Pierre Maurel se lit comme un manifeste politique en faveur de l'expression libre et de la gratuité. Il se présente comme un remède contre l'oppression, les régimes sécuritaires et la consommation forcée. Par dessus tout, Blackbird est un hymne au fanzinat, à ces bulles de libertés qui naissent hors contrôle et qui parce qu'elles sont libres, secrètes, inattendues nous disent quelque chose d'essentiel sur le monde qui nous entoure.

L'auteur exprime ici son propos avec une grande finesse scénaristique et une élégance certaine du trait. Il évite à la fois le questionnement politico-artistique de comptoir et la parodie facile. L'histoire tient bien la route et on se laisse emporter dans un récit qui s'inscrit dans la longue tradition de l'aventure et de l'anticipation. L'auteur suit au plus près ses personnages et analyse avec subtilité le travail et les conduites de résistance. Si le sujet est circonscrit au milieu de l'édition, celui qui ne connaît pas les subtilités du droit de l'édition français saisira cependant tout à fait le propos. Enfin, le dessin à l'encre, au trait noir sur fond blanc, précis, maîtrisé, rythmé prend souvent le pas sur le dialogue renforçant la dynamique du récit.

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